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Et maintenant ? | Chapitre 3

    Ce texte est une fiction documentaire.

    Si la narratrice est le fruit de mon imagination, les informations citées sont réelles. Toutes les références (livres, films, lieux, personnes) et les sources sont regroupées à la fin du texte.

    Si vous arrivez sur ce texte pour la première fois, la présentation de ce récit est disponible ici (avec le lien pour accéder à la version intégrale en PDF).

    Vous pouvez également commencer la lecture à partir du premier chapitre.


    Les jours se poursuivent et se ressemblent. Je crois que je n’ai jamais eu une vie aussi monotone. Cette parenthèse dans le monde est vraiment très étrange.

    Il se passe sans doute des choses magiques dans certains foyers. Je pense à Maria et Nassim, qui ont eu leur premier enfant à peine quelques jours avant le début du confinement. Je les ai appelée deux fois les deux premières semaines pour savoir comment la petite famille allait. Ils sont dans leur bulle avec leur petite puce qui les émerveille. C’était presque comme s’ils ne se rendaient pas compte de la situation.

    Marco et sa troupe ont quitté la ville pour vivre le confinement ensemble à la campagne, je me demande bien comment se passe leur vie en commun. Elle doit être plus marrante qu’ici, et en même temps, les risques de dérives sont nombreux sur des chipotages ou des histoires sentimentales.

    Ce qui doit être le plus dur, c’est pour Audrey et Romain, avec leurs enfants dans leur petit appart, ça doit être coton.

    Les premières semaines, j’appelais tout le monde pour prendre des nouvelles, rigoler un peu, mais plus le temps passe, moins on a de choses à se raconter. Personne n’ose vraiment se plaindre car on sait qu’au final, on est des privilégiés.

    On a tous peur pour la suite, la fin du confinement sera à la fois une grande joie et un grand défi. Comment reprendre une vie normale après ça ? A-t-on vraiment envie de reprendre une vie normale quand on ne peut plus se cacher que les politiques néolibérales sont les principales responsables de la situation critique dans laquelle nous nous sommes tous retrouvés pendant des mois ?

    Voici plusieurs dizaines d’années que l’on détruit les services publiques essentiels, cela faisait plus d’un an avant le début de la pandémie que les hôpitaux criaient qu’ils manquaient de moyens et qu’ils n’avaient pas la possibilité de prendre en charge les malades qui arrivaient aux urgences. En janvier, 1 100 chefs de services de l’hôpital public démissionnaient de leurs fonctions administratives pour dénoncer le manque de moyens. Et quelques semaines plus tard, quand le gouvernement a besoin d’eux, il leur dit qu’il leur adresse le plus grand soutien. Quelle blague !

    Le gouvernement a profité de la crise pour passer sous forme de décrets toutes les destructions du code du travail dont il rêvait depuis des décennies. « Crise oblige ». Ils trouvent des milliards pour sauver l’économie, mais quand il s’agit de sauver des vies humaines, nada. Le fait que certains hôpitaux publiques aient lancé des cagnottes pour demander aux particuliers de leur faire des dons, c’est la cerise sur le gâteau. Alors trouver de l’argent quand il s’agit de préserver la biodiversité n’en parlons pas. Les abeilles, les ours et les insectes, on s’en fout. C’est vrai, c’est pas comme s’ils étaient des membres à part entière d’un biotope dont le déséquilibre mène à la disparition de millions d’espèces, dont prochainement l’espèce humaine. Des fois, je me dis que c’est peut-être pas plus mal que l’humain disparaisse de cette planète, mais c’est con qu’il embarque tant de monde avec lui.

    J’aime vraiment bien cette phrase que j’avais vu sur la photo d’une manifestation : « Nous ne défendons pas la nature, nous sommes la nature qui se défend ».

    Enfin, bon. Discussion de comptoir. Comme tout le monde, je parle beaucoup, et en même temps, qu’est-ce que je fais ?

    J’achète mes légumes à l’AMAP, j’ai testé les produits ménagers faits-maison (j’avoue, j’ai fini par les acheter au magasin bio). Mais j’ai beau faire preuve de bonne volonté, je suis consciente que ce n’est pas ça qui va changer radicalement les choses.

    Les leviers d’action, ils sont au niveau politique, au niveau national, voire international. Et le système de la politique politicienne est tellement bien fait que je pense qu’il est impossible d’arriver à un niveau de prise de décision qui a de l’impact sans devenir un vendu. Je dis pas qu’ils sont tous pourris, mais que ceux qui ont vraiment du pouvoir ont réussi à l’acquérir parce qu’ils ont su rogner sur leurs principes. Je me souviens d’un documentaire diffusé sur Public Sénat qui décryptait à travers des analyses scientifiques la manière dont le pouvoir a un impact sur notre manière de réfléchir. C’était super intéressant de comprendre comment le fait même d’avoir le pouvoir entre ses mains rend complexe la prise de décision, la possibilité de faire confiance et au final le fait d’avoir un jugement sain.

    Bien sûr, il y a plein de gens chouettes qui sont intègres, qui ont de belles valeurs et dont l’action bénéficie aux politiques publiques, mais c’est tellement d’énergie dépensée pour obtenir des grains de sable. Autant je soutiens et j’admire ceux qui persistent dans cette voie car je pense que leur action est nécessaire et qu’elle permet de palier certains dysfonctionnements du système, autant, je ne crois pas qu’ils changeront les choses radicalement. Et on a besoin d’un changement radical.

    (…)

    (…)

    (…)

    En fait, si, pour que le système change, il faut un changement radical, ça veut peut-être dire que, moi aussi, j’ai besoin d’un changement radical… ?

    Lire le chapitre suivant.


    Références et sources

    Sur les hôpitaux qui manquaient de moyens avant la pandémie :
    – un article de Basta ! « Urgences en burn-out : « Nous sommes obligés d’être à la fois aide soignante, infirmière, vigile, secrétaire… » » par Thomas Clerget le 20 juin 2019, bastamag.net
    – un article de Médiapart « Faute de moyens pour l’hôpital, des chefs de service démissionnent de leurs fonctions administratives » par Caroline Coq-Chodorge le 13 janvier 2020, mediapart.fr

    Sur les dérogations au droit du travail :
    – un article de Basta ! « Etat d’urgence sanitaire : « Augmenter le temps de travail revient à mettre en danger la population ! » » par Rachel Knaebel le 25 mars 2020, bastamag.net
    – un article de Libération «  Droit du travail : les syndicats méfiants » par Amandine Cailhol le 26 mars 2020, liberation.fr
    – un article de Reporterre « Le gouvernement attaque le Code du travail, mais refuse que les riches fassent un effort », par Hervé Kempf le 26 mars 2020, reporterre.net

    « Nous ne défendons pas la nature, c’est la nature qui se défend ». Cette phrase a été reprise par de nombreux mouvements militants, on l’a notamment vu de nombreuses fois sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes.

    Une AMAP (ou Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne) est un regroupement d’agriculteurs et de consommateurs qui s’associent pour des achats en direct. Les clients s’engagent à acheter un panier de denrées par semaine sur l’année ce qui permet à l’agriculteur d’avoir la sécurité de la vente de ses produits, tout en limitant le temps accordé à la distribution. Ce système permet également de partager les risques entre producteurs et consommateurs en cas d’intempéries ou d’imprévus concernant la production et, parfois, d’associer les consommateurs à la production en organisant des chantiers participatifs.

    « Le pouvoir nuit-il gravement au cerveau ? » est un documentaire de 54 min d’Hélène Risser et Hélène Fresnel, coproduction Day for Night & Public Sénat. Ce film a été diffusé sur la chaîne Public Sénat le 7 avril 2018 et est librement accessible sur le site publicsenat.fr

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