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[vivre sans argent] Nous sommes tous dépendants les uns des autres.


    L’épisode 1 de SideWays, la websérie itinérante présente Elf Pavlik, qui vit sans utiliser d’argent (revoir l’épisode). Nous l’avons projeté de nombreuses fois et une remarque était récurrente : « Il vit sans utiliser d’argent directement, mais indirectement, il utilise l’argent des autres ».

    Alors, pour y répondre, nous avons décidé de lui poser la question directement. Ne vis-tu pas (indirectement) avec l’argent des autres ?

    Nous avons revu Elf à Matera, en Italie, l’année suivant le tournage. Il travaillait alors sur la création d’un logiciel qui utilise les données de géolocalisation des bus afin de fluidifier la circulation des transports en commun. Un logiciel créé pour la ville de Matera, sous licence Creative Commons, qui pourrait être réutilisé librement par d’autres communes.

    Voici sa réponse, en vidéo (les sous-titres en français sont disponibles). Pour ceux qui le souhaitent, nous avons retranscrit son explication en format texte à la suite de la vidéo. Des informations complémentaires sont accessibles en fin de texte.

    Retranscription de la réponse

    On me pose très souvent cette question.
    Ce que je réponds, c’est que ce que je fais est un travail en cours d’élaboration. Ce n’est pas fini, pas encore, c’est en développement. J’y travaille, j’explore.

    Est-ce que j’utilise l’argent des autres ?
    Nous sommes tous interdépendants les uns des autres, interdépendants du travail des autres.
    Certains m’offrent de la nourriture, un endroit où dormir ou m’aident à voyager sans échange monétaire.
    Mais les gens qui achètent des choses avec de l’argent, eux-aussi, mangent de la nourriture que d’autres ont fait pousser, ils vivent dans des maisons que d’autres ont construit.

    Si on ne prend pas en compte cet aspect monétaire, nous dépendons tous les uns des autres. Nous dépendons tous du soutien des autres.

    Ce qui est différent dans ma situation, c’est que les personnes m’offrent leur soutien en prenant leur décision sur un critère différent que, simplement, d’agiter de l’argent sous leurs nez : « Oh, regardes tous ces beaux billets, je te les donne et tu m’aides ».

    Non. Les gens m’aident parce qu’ils ont vraiment envie de m’aider. Les gens m’offrent quelque chose parce qu’ils ont vraiment envie de m’offrir quelque chose. C’est une relation totalement différente.

    Et comme je l’ai dit, ce que je fais est en cours d’élaboration. Nous ne vivons pas dans une réalité figée, elle est en constante évolution : il y a eu le passé, il y a le présent et il y aura le futur.

    Et ce qui se passe aujourd’hui, dans cet environnement dominé par l’argent, n’est pas obligé de perdurer. Deux ou trois ans peuvent être suffisant pour changer et mettre en place un autre modèle économique.
    Ce n’est pas parce que, aujourd’hui, les gens utilisent de l’argent pour acheter les choses qu’ils vont m’offrir que cela signifie que ce sera encore le cas dans un an, deux ans ou trois ans.

    Ça ne me fais pas plaisir que les gens utilisent de l’argent pour me soutenir. Ça me rend triste et je travaille dur pour que ce soit possible que chacun puisse s’entraider, pas seulement me soutenir moi (aussi avec ce que je fais, je soutiens d’autres personnes). L’objectif est que, au final, nous puissions limiter l’importance de l’argent et que, dans quelques années, nous puissions avoir une économie mondiale sans argent, ni aucun système financier. D’autant plus sans ce système monétaire actuel, qui est particulièrement malade.

    Donc la réponse, c’est que j’ai besoin de temps, nous avons besoin de temps, pour réajuster la manière dont nous faisons de l’économie, réajuster la manière dont nos relations sont organisées.
    Et plus nous avancerons sur ces aspects, moins il y aura d’argent indirect qui rentrera en compte dans ma manière de vivre.

    Oui, je pourrais aller dans la forêt et vivre comme « Tarzan » dans un arbre.
    D’un côté, ça pourrait être une expérience intéressante. Beaucoup de gens le font. Mais ce n’est pas ce que je fais, ce n’est pas ce sur quoi je me concentre.

    Je me concentre sur le développement de nouvelles technologies, utilisant le web, pour que nous puissions avoir de nouveaux modèles sociaux économiques. Des modèles qui remplacent ces vieux modèles monétaires par de nouveaux modèles basés sur la collaboration et la coordination des efforts de chacun. J’ai du talent avec ces technologies, j’ai des compétences en programmation, je suis passionné par ce que permettent ces outils.

    Alors oui, aujourd’hui, je suis encore en lien avec des gens qui utilisent de l’argent. Et encore une fois, cela ne me fais pas plaisir, et je travaille pour que, le plus tôt possible, nous changions globalement la donne et que plus personne n’utilise d’argent. Alors seulement, j’aurais le sentiment que le travail est accompli.

    C’est un travail en cours de développement…

    Pour compléter

    Dans l’épisode que nous avons réalisé, nous nous sommes rendus compte à posteriori que l’on ne comprend pas assez ce que fait Pavlik, concrètement, au quotidien. Elf Pavlik est un programmateur, il travaille à la conception de logiciels libres qui vont dans le sens du bien commun. Il peut s’agir de la localisation de nourriture qui va être gaspillée, l’organisation et la participation à des hackathons (marathons de hackers) sur des thématiques variées, etc.

    • Si cette thématique vous intéresse, vous pouvez consulter sa page GitHub (qui répertorie ses différentes contributions). Elf apporte une grande importance au partage des travaux réalisés. Il partage sur son site une carte des « réciprocités » qui correspond aux services qu’il reçoit et à ceux qu’il fournit.

    La question de la nourriture est importante. Si Elf fait pas mal de récup’ dans les poubelles des magasins bio, il est conscient que cela signifie compter sur le gaspillage énorme de notre société de consommation et que ce n’est pas un modèle durable.

    Il a participé à différents projets de production de nourriture non commerciales, tels que la KartoffelKampagne. Il s’agit d’une ferme autogérée achetée grâce aux héritages de personnes qui refusent le concept d’héritage (générateur d’inégalités sociales) au sein de laquelle des volontaires se relayent pour produire de grandes quantités de pommes de terres redistribuées gratuitement.


    Nos questionnements suite à la rencontre avec Elf Pavlik

    Repenser notre rapport à l’argent, complètement. Questionner notre manière de vivre, d’obtenir ce dont on a besoin. Ré-interroger nos besoins aussi : qu’est-ce qui m’est réellement nécessaire au quotidien ?

    Et au-delà de ces aspects personnels, penser le monde tel qu’il pourrait exister si nous supprimions la question de l’argent. Qu’est-ce qui crée de la valeur si on ne la mesure pas via cette norme qu’est l’argent ? Avec qui est-ce que je partagerais ce que je produis ? Comment participer utilement au bien commun, au collectif que nous formons en tant qu’humanité ?

    Ce sont toutes ces questions que nous nous sommes posées suite à notre rencontre avec Elf Pavlik. Des questions générales, mais qui nous semblent aussi fondamentales pour imaginer le monde dans lequel nous souhaiterions vivre.

    Et vous, à quoi cet épisode vous fait-il penser ? Quelles sont vos réflexions, vos remarques, vos questionnements ? N’hésitez pas à les partager, pour réfléchir ensemble…

    La véritable richesse, ce sont tous les liens que nous créons entre humains, des échanges variées : des idées, de outils, des coups de mains, de la nourriture ou de l’amour….


    Voir (ou revoir) la vidéo de l’épisode 1

    N’oubliez pas aussi d’aller lire l’article multimédia qui complète l’épisode !

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