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[Episode 9] Les prédateurs des chèvres en ville

    Nous partageons ici les textes de Gilles, de la Bergerie des Malassis, initialement publiés sur la page Facebook de La bergerie des Malassis.


    Les petits mots de la Bergerie des Malassis – (Ça câline ça fait mal)

    Un documentaire réalisé par SideWays, la websérie itinérante a fait connaitre les activités de La Bergerie des Malassis dans plusieurs régions de la France. Leur film a été sélectionné dans plusieurs festivals de films documentaires. Hélène et Benoit nous donnent régulièrement de leur nouvelles et repassent toujours à la Bergerie quand leurs déambulation les mènent en région parisienne. Un jour qu’ils étaient de passage, dans notre petite ferme bagnoletaise, ils nous ont raconté une histoire.

    En octobre 2018, le film « La Bergerie des Malassis », faisait partie de la sélection du Festival du film documentaire sur le pastoralisme et les grands espaces de Grenoble. Quelle fierté et quel honneur nous était offert de savoir que les images de nos chèvres et nos brebis, de notre histoire collective de création et de soutien d’une aventure pastorale au pied des immeubles des Malassis, allaient côtoyer celles des plateaux d’Asie centrale, des plaines de l’Afrique, de la haute Montagne européenne et Andine.

    Hélène et Benoit nous avaient invités à venir parler du film avec eux mais c’était impossible pour nous. Quand ils sont repassés à la Bergerie plusieurs mois après le festival, ils nous ont fait part de l’appréhension qu’ils avaient de la manière dont allait être reçu leur film par un public d’initié(e)s et pour beaucoup du métier de l’élevage. Qu’allait-on penser, du sujet qu’ils avaient choisi ? Le film, La Bergerie des Malassis, a reçu le prix du public, et la discussion qui suivit sa projection eu une tournure tout à fait intéressante.

    Dans d’autres films, il était question de l’équilibre à trouver entre la pérennité du pastoralisme et la préservation des milieux naturels, et plus particulièrement, de la coexistence, dans ses grands espaces, avec les prédateurs sauvages, tel le loup, par exemple. Lors de la discussion avec le public sur le film de SideWays, une question fut posée : en ville, à Bagnolet en Seine Saint Denis, une prédation est-elle possible ? Les chèvres et les brebis de la Bergerie ont-elles des prédateurs ? Des ennemis ?

    Oui. Hélène et Benoit, bien au fait de nos mésaventures avec les municipalités successives, et conscients des bouleversements dus à la densification et à la rénovation urbaine, ont avancé nos péripéties et nos luttes pour nourrir la discussion ,et… une idée s’est dégagée dans le public : la prédation, à Bagnolet, comme dans d’autres villes où l’on ne croise pas un troupeau dans la rue, la prédation est immobilière.

    Nos bêtes, nos paysages, nos rêves, nos terrains de jeux, notre liberté, notre destin, notre dignité sont entre les mains d’une poignée de petits décideurs que notre existence et notre patrimoine intéressent peu. Les éleveurs, les bergers disparaissent, pas à cause de l’Ours ou du Loup, ils disparaissent parce qu’ils se sentent incompris et qu’ils n’ont plus leur place dans la société ; on fait une vie, invivable, à des êtres extraordinaires.

    La Bergerie ne disparaitra pas, parce qu’elle est soutenue au quotidien par les habitants du coin, par les voisins, par les enfants, par tant de gens, par de nombreux partenaires éducatifs et sociaux. Nous avons notre micro société ; on n’a pas réussi à nous isoler, malgré les mensonges, les coups bas, l’abandon. Ce que nous défendons a du sens, et le sens l’emporte sur la démagogie. Ce que nous défendons a du cœur, et le cœur l’emporte sur la volonté de domination. Peu de gens s’y trompent. Merci SideWays de nous avoir ramené cette métaphore.

    Oui, nos bêtes ont aussi leurs prédateurs, qui les exposent à des dangers comme la faim parfois et la maladie du fait de leur indifférence, de leur hostilité et de leur refus d’accéder à certains de nos besoins concrets.
    Oui, nos bêtes ont des prédateurs, qui feignent de ne pas voir tout le bénéfice pour les habitants de tous âges, de pouvoir renouer une relation directe avec ces herbivores domestiques qui font partie du patrimoine et de la culture de tous.

    Le fait que les bêtes puissent encore se nourrir dans le quartier, au pied des immeubles a une importance capitale. Là où notre bétail peut aller, nous pouvons aller aussi ; leur espace est le nôtre, et il est à défendre.
    Les grands espaces de notre troupeau, c’était les cités, mais elles disparaissent, avec leurs espaces publics, leurs grands espaces verts qui sont nos prairies et leurs modes de vie. Des millions sont dépensés, pour que les habitants soient mécontents et se sentent spoliés de leur quartier, de leur espace vital, de leur liberté.

    Comme les bergers, nous nous sentons incompris. Ceux qui décident à notre place, ne sont pas berger, ne sont pas des Malassis, ne sont pas des loups, et pourtant, se sont bien des prédateurs, qui méprisent une façon différente de la leur d’être au monde.

    Pour poursuivre la discussion, RDV samedi à 17h30 à la Bergerie des Malassis, avec un concert de la chorale Sibémol et 14 demis qui vient nous apporter du beaume au cœur avec ses chants contre les prédateurs de tous poils !

    Il y a tant de choses à dire, à écrire, et nous avons si peu de temps … Les petits mots de la Bergerie diront un peu, souvent, c’est déjà beaucoup.


    Retrouvez d’autres textes de Gilles sur le blog de l’association Sors de Terre et sur la page Facebook de la Bergerie des Malassis.

    Regardez aussi l’épisode de la websérie documentaire SideWays sur la bergerie des Malassis.

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