Comme pour nombre d’entre nous, la question du passe sanitaire a donné lieu à de multiples réflexions. Quel est le sens de cette obligation ? Que s’est-il passé pour qu’on en arrive là ? Comment réagir ? Quel est notre positionnement en tant que troubadours ? Devons-nous tout annuler comme l’ont fait certains ? Devons-nous nous résigner et ne pas agir comme le font d’autres ?
Nous avons hésité à choisir la première option : nous réinventer, ne faire que des événements hors institutions, spontanées, militantes. Mais après quelque temps, le doute s’est insinué. N’est-ce pas se cloisonner ?
Cet article propose de revenir sur les raisons de notre opposition au passe. Les revendications des uns et des autres sont variées. Nous tenons donc à expliquer quels sont les arguments qui nous touchent particulièrement. Puis nous terminerons par partager les réflexions que nous avons eues et les choix que nous faisons pour la suite.
Je tiens à signaler que nous parlons ici uniquement de la question du passe sanitaire, au-delà de notre opinion positive ou négative sur la vaccination en tant que telle.
Pourquoi nous sommes opposés au passe sanitaire
Les autorités n’ont pas à choisir qui est le bon citoyen
Prendre l’habitude de se faire valider par une autorité pour entrer quelque part est dangereux, notamment s’il s’agit d’un lieu public, et quelle que soit l’autorité en question (de droite, de gauche, du centre et à fortiori d’extrême droite). Nous ne pouvons et ne devons pas considérer cela comme quelque chose de normal ou d’acceptable, que les raisons soient légitimes ou non. Ouvrir cette porte c’est autoriser que le pouvoir établi choisisse aujourd’hui et à l’avenir ce qui est autorisé et socialement admis. C’est autoriser que le pouvoir établi choisisse qui a le droit de se déplacer, de consommer, de se divertir et avec quel type de divertissement. Et ce, sans aucun contre-pouvoir. Il ne s’agit pas de science-fiction.
Le risque de création de base de données centralisée a de quoi faire peur
Pour ceux qui nous suivent depuis longtemps, vous savez que nous sommes sensibles aux questions de protection des données personnelles et de centralisation de ces mêmes données.
Le passe sanitaire, via la validation du QR code, permet de créer des données numériques. Techniquement, elles peuvent être gérées de manière éthique. Il semblerait que l’application utilisée actuellement utilise les protocoles de certification qui ne stockent pas les données. Mais techniquement également, il suffit d’un tout petit changement, invisibles à nos yeux, pour que les données en question puissent être sauvegardées. Cela signifierait qu’une base de données centralisée sache qui est allé où, quand et avec qui.
Savez-vous quelle quantité d’informations il est possible d’extrapoler avec un groupe de données limitées ? Grâce aux études faites depuis des années, profiler les gens en connaissant leurs habitudes de vie permet assez rapidement de connaître leur sexe, leur âge et, de fil en aiguille, repérer les opinions et caractéristiques propres. Tout ce travail de recoupement d’information à l’échelle nationale permet d’avoir des indications précises sur toute la population, y compris sur ceux qui n’y participent pas.
Vous pensez que j’exagère ? Renseignez-vous sur les Géants du Net (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft – les GAFAM) et sur ce qu’on leur reproche. La Quadrature du Net étudie et analyse ces questions depuis des années, vous trouverez de nombreuses ressources sur leur site internet.
Vous pensez que vous n’avez rien à cacher ? En êtes-vous sûr ?
Et si vous ne le faites pas pour vous… Soutenez-vous les réfugiés, les sans-papiers ? Soutenez-vous les activistes pour le climat, les syndicalistes, zadistes, lanceurs d’alerte, militants des droits de l’humain en tout genre ? Ils ont des choses à cacher. Et pour la bonne cause. Se protéger contre le fichage généralisé de la population qu’il soit organisé par les GAFAM ou des organisations centralisées, c’est protéger ceux qui se battent pour les libertés collectives, les libertés individuelles, vos libertés à vous et celles de ceux qui viendront après nous.
Si vous pensez que j’exagère, sachez que je l’espère aussi. Mais en regardant l’évolution de la situation politique nationale et internationale depuis une dizaine d’années, qui évolue doucement mais sûrement vers un fonctionnement hyper-sécuritaire et fasciste, je pense qu’il est est sage d’être prudent avec ce type de risques.
Les citoyens n’ont pas à jouer le rôle de flics
Ce n’est pas aux citoyens, qu’ils travaillent dans la santé, la restauration, les espaces culturels, etc. de jouer le rôle de flic. C’est une main-d’œuvre gratuite utilisée par l’État de manière abusive. Leur métier est le plus souvent d’offrir un temps de répit à leurs usagers, un moment agréable, de détente. Pour beaucoup, s’ils font ce métier, c’est pour être en accord avec des valeurs, parfois non compatibles avec le rôle de vigile. Ils n’ont pas signé pour exclure. Et ne souhaitent pas le faire. Cela met de nombreux employés dans des positions d’acteurs d’un système qu’ils ne cautionnent pas, avec toutes les répercussions malsaines que cela induit.
Comment réagir ?
Dans notre vie personnelle, nous avons choisi de ne pas utiliser le passe sanitaire. L’utiliser au quotidien serait le cautionner et nous ne pouvons nous y résoudre.
Comme vous le savez sans doute, nous avions prévu une tournée de projection à l’automne pour la sortie de notre livre : l’intégralité des épisodes SideWays en version textes-photos, imprimée joliment + un chapitre sur notre histoire. Nous avions donc plusieurs dates en médiathèques, en foire bio en plus des cafés associatifs et lieux militants.
Annuler les projections avec passe et se cloisonner ?
Nous n’avons pas besoin de faire ces dates. Elles ne sont pas nécessaires à notre modèle économique, à la tournée, à la diffusion de la série et du livre. Pourtant, cela fait longtemps que l’on essaye de faire des événements dans ces lieux. Pourquoi ? Parce que nous croyons au fait que le message que l’on délivre à travers les épisodes de la série a du sens. Qu’il participe à semer des graines, à donner des idées, à aider à sortir de son quotidien pour vivre une vie plus en accord avec des valeurs de solidarité et de respect du vivant. Propager ce message, notamment dans des cercles de personnes qui n’ont pas l’habitude de l’entendre, c’est la motivation qui nous a poussés à réaliser SideWays, qui nous a motivés au quotidien pendant des années, qui donne du sens à notre vie.
Le public d’une médiathèque ou d’un marché diffère de celui qui viendra spontanément dans un café associatif, qui viendra spontanément nous parler lorsque nous nous arrêtons quelque part avec notre camion bien décoré.
Refuser le passe sanitaire et ne pas faire ces projections, c’est se couper de ces publics moins militants. Fermer ses portes à un partage plus large du message que nous souhaitons diffuser.
Refuser catégoriquement le passe dans toutes les circonstances, n’est-ce pas se couper d’une partie de la société, amplifier la fracture sociétale créée par le passe ?
Collaborer au principe du passe et exclure des gens ?
Faire des projections dans des lieux qui demandent le passe signifie que ces événements sont ouverts à ceux qui le portent et qui l’utilisent (exclusion de ceux qui refusent le passe). Au-delà de leur faire utiliser le QR code, si on ouvre la porte à un autre public, moins acquis aux idées que l’on partage, on la ferme à ceux qui, comme nous, voient défiler des événements intéressants auxquels ils ne pourront pas assister parce qu’ils ne souhaitent pas utiliser le précieux sésame (ou ne l’ont tout simplement pas).
Quel sont nos objectifs ? Comment réagir ? Pour quelle raisons faisons-nous des événements ? Quel est le sens du purisme militant individuel ? N’allons nous pas collaborer à un système qui nous blesse et ouvrir une brèche qui va nous donner envie d’utiliser le passe une fois, deux fois, trois fois ? Où poser des limites ? Existe-t-il une bonne solution qui serait évidente si n’étions pas aveuglés par notre intérêt x ou y ? Cette discussion, redondante des jours durant, est loin d’être facile. Elle remue de nombreuses problématiques à la fois personnelles et collectives. Il n’existe sans doute pas UNE bonne réponse, mais celles-ci varient en fonction des nos impératifs, du contexte individuel et de nos objectif personnels.
Notre positionnement
Cela explique sans doute que nous ayons des positionnements différents Benoit et moi.
Dans tous les cas, nous nous arrangeons avec les organisateurs pour que les projections soient sans passe sanitaire, soit parce qu’il n’est pas nécessaire, soit en organisant des événements privés.
Si ce n’est pas possible parce que l’une ou l’autre des solutions ne sont pas envisageables, nous discuterons de la position avec l’organisateur.
En fonction de cette discussion, soit nous ne donnerons pas suite à l’événement, soit, si elle estime que l’évènement permettrait de toucher un public large et hétéroclite, Hélène s’autorise à faire quelques projections avec passe.
Dans ce cas, les projections auront lieu sous trois conditions :
- aucune autre solution n’est possible (évènement privé par exemple)
- nous organiserons une autre projection sans passe dans la même ville (pour que les personnes sans passe puissent y participer – n’hésitez pas à nous écrire pour qu’on vous donne les infos, qui ne seront pas toujours publiques)
- parler de cette problématique du passe au public le jour de la projection pour sensibiliser le public.
Bon, c’était pas facile, mais voilà nos conclusions…On retourne à l’organisation de notre tournée !
Au plaisir de vous revoir très vite autour du livre, des films et des discussions sur le sens de ce que l’on vit !
Hélène et Benoit
Merci pour ces réflexions qui feront des petits, en tout cas je l’espère ! La situation est bien résumée, vous mettez les points sur les i, comme d’hab !
Même réflexion, même dilemme.
ON a tenu jusqu’au 20 août sans passe.
Puis on s’est pris le virus (extrême fatigue pendant 2 semaines) . Eenquêtes liées par la sécu social pour tracer le virus.
Et puis la commune a organisé un centre de test (donc plus d’exclusion même si c’est un coût de 12 € pour la collectivité) Par solidarité avec les acteurs économiqes du village on a demandé le passe à contre cœur.
Hâte de voir le livre.
ROb
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