La ferme des bouillons, c’est une ZAD, une Zone à Défendre, comme Notre-Dame-des-Landes, Roybon, le TGV Lyon-Turin, et comme le fut Sivens…
La ferme des bouillons, c’est un lieu de lutte où l’on se rassemble et où l’on expérimente des alternatives, d’autres manières d’être, d’agir, de produire.
L’histoire, c’est celle de la dernière ferme traditionnelle dans la périphérie de Rouen. Achetée par Immochan, la filière immobilière du groupe Auchan, elle était destinée a être détruite. Suite à la signature du permis de démolir, un groupe de citoyens occupe la ferme en décembre 2012. Très rapidement sont organisés des portes ouvertes, ciné-débats, concerts et autres événements.
Au printemps, c’est le côté production qui démarre avec des chantiers participatifs “Semons contre l’expulsion”.
L’objectif est de rendre vivant le lieu, de sensibiliser à la préservation d’espace naturel en périphérie de la ville ainsi que de lutter contre l’implantation d’un enième centre commercial, symbole d’une société de consommation à outrance avec tous les dégâts humains qu’elle développe.
L’objectif est donc de faire vivre un lieu productif, culturel, ouvert à tous pour prouver par les actes qu’une autre manière de produire et de vivre est possible.
Sur le plan politique, les zadistes envoient aux politiques des propositions concrètes afin de proposer une alternative aux plans locaux d’urbanisme. Un an plus tard, en janvier 2014, le conseil municipal classe la ferme des bouillons en Zone Naturelle Protégée. Une manche est gagnée.
Depuis, Auchan a fait appel de la décision (toujours en cours) et la vie à la ferme s’est consolidée avec la création d’une activité maraîchère. Un animateur-maraîcher a été embauché pour gérer l’activité et le travail des bénévoles. Un marché à la ferme a lieu tous les samedis avec des légumes maison ainsi que des produits biologiques locaux. Des événements culturels sont organisés régulièrement avec, pour point d’orgue, plusieurs festivals réunissant jusqu’à 3000 personnes sur le site.
Afin de s’organiser pour la suite des événements, des promesses d’achat de parts de la ferme sont lancées pour racheter collectivement la ferme quand Auchan sera vendeur.
Pour tout connaître sur l’historique complet de la lutte : http://www.lafermedesbouillons.fr/historique/
Nous sommes arrivés en début juillet à la Ferme des Bouillons. L’ambiance était paisible. Nous avons pris le temps de découvrir la vie à la ferme en récoltant les haricots, profitant du magasin gratuit bien fourni, des récup’ des supermarchés foisonnantes et des repas en commun. Le début de l’été annonçait du calme pour les semaines à venir, certains “anciens”, arrivés à la ferme dès le début de la lutte commençaient à plier bagages pour d’autres horizons.
Nous sommes partis enchantés du lieu, des énergies qui s’en dégagent, des possibles à construire. Nous imaginions éventuellement venir poser le camion ici pendant l’hiver pour travailler sur les futurs épisodes dans une ambiance ouverte et conviviale. Rien ne présageait ce qui se passerait dans les semaines suivantes…
Le 24 juillet, la Confédération paysanne lance l’alerte : la ferme est l’objet d’un compromis de vente entre Immochan et une mystérieuse SCI. Dans les jours qui suivent, la mobilisation, d’une ampleur inouïe au cœur de l’été, convainc les pouvoirs publics de se saisir du dossier. L’administration en charge du foncier agricole, qui peut faire patienter la vente et prendre en compte les autres offres de reprises, en prenant en compte celle des zadistes, refuse d’examiner le dossier sans informer ni consulter son conseil d’administration et autorise la vente. Dès le lendemain, les occupants sont expulsés au petit matin.
Cet été, nous étions coupés des informations. Nous avons appris l’expulsion de la ferme des Bouillons le lendemain des faits. Nous étions sous le choc. La SCI parle de créer un lieu de maraîchage bio, avec une ferme pédagogique. Un projet proche de ce que la ferme des Bouillons a déjà créé sur le lieu, pourquoi alors chercher à racheter le domaine ? Qui sont les propriétaires de la SCI ? Ils s’appellent Thibault et Baptiste Mégard, présentés comme des entrepreneurs familiaux dans la presse classique. Une petite enquête faite par les Zadistes, vérifiée par Reporterre, permet de faire rapidement le lien avec la famille Mulliez, propriétaires du groupe Auchan (Thibault Mégard était notamment candidat aux élections européennes sur la liste tenue par André-Paul Leclercq, directeur de développement du groupe Auchan, ainsi qu’aux élections régionales pour le Mouvement pour la France de Philippe de Villiers).
Ce qui est sûr, c’est que l’esprit des Bouillons ne sera plus le même. Si on ne peut connaître les intentions exactes des acheteurs, nous ne pouvons qu’imaginer que leurs actions n’irons pas dans le sens de la société juste, humaine et respectueuse que nous défendons.
Pour en savoir plus sur l’expulsion et la SCI, voici l’article de Reporterre.