Imaginez que votre machine à laver tombe en panne. Vous n’avez plus d’argent sur votre compte en banque, et n’avez pas envie de demander de l’argent à vos proches. Que faites-vous ? Vous allez au lavomatique en attendant d’économiser les quelques centaines d’euros nécessaires à la réparation ou à l’achat d’une nouvelle machine ?
Les communautés auto-financées (CAF) ont été créées pour pallier ce type de problème. Il en existe aujourd’hui près de 70 à travers l’Espagne, elles se développent partout dans le monde mais il n’y en a pas encore en France.
Une CAF, c’est un groupe de quelques personnes qui se réunit tous les mois pour économiser de l’argent. Le fond commun est autogéré et permet d’accorder des prêts à ceux qui en ont besoin.
L’intérêt direct, c’est une sécurité collective. Si on en a besoin, l’argent du groupe est présent pour nous soutenir. Contrairement à demander de l’argent à un proche, demander un prêt dans sa CAF, c’est quelque chose auquel on a le droit, c’est normal.
Nous avons trouvé ce concept d’autant plus intéressant qu’une CAF n’est pas simplement une manière de gérer de l’argent, c’est une excuse pour créer une communauté informelle qui devient, de fait, une communauté solidaire.
Le principe des CAF
Nous avons rencontré Abdoulaye Fall, l’un des principaux promoteurs de ce système en Espagne. Il nous a présenté le concept et nous a donné l’opportunité de participer à la réunion mensuelle d’un groupe dont il est membre.
La découverte par la pratique, à travers l’usage qu’en fait un groupe d’immigrés paraguayens, nous a convaincu. Mais avant de continuer, voici une présentation un peu plus complète du concept.
L’un des piliers des communautés auto-financées, c’est l’autogestion : lors de la première réunion du groupe, les principes de base de la CAF sont définis (mode de prise de décisions, membres du groupe et fonctions des membres, taux d’intérêt des crédits, pénalités de retard, etc.). La CAF partira de ces principes pour poursuivre son activité mais, si besoin, les membres pourront les modifier quand ils le souhaitent.
Abdoulaye est membre de l’ACAF, l’association des CAF. Cette association est en charge de faire connaître le principe et de créer des outils pour simplifier la vie des membres des CAF. Ils ont ainsi mis en place le site et logiciel Winkomun. C’est un outil de gestion de réunions mensuelles informatisé qui simplifie la gestion budgétaire et permet à tous les membres d’une CAF donnée d’avoir accès à ces informations. L’association n’a aucune autre prérogative, elle ne peut en aucun cas intervenir dans la gestion interne des CAF créées, qui sont toutes autogérées.
“Nous assistons souvent à la première réunion des CAF de Catalogne pour donner des conseils et soutenir le groupe. Mais après c’est fini, nous n’avons aucun pouvoir sur les groupes, ils se gèrent tout seuls” insiste Abdoulaye.
Concernant la gestion interne des CAF, les réunions sont le plus souvent mensuelles. Elles permettent aux membres d’apporter de l’argent dans le fond commun pour l’économiser ou de demander un prêt. Au début de chaque réunion, la caisse est ouverte et comptée publiquement. Pour éviter les tentations, deux personnes différentes gardent la clé et la caisse.
Dans certains cas, pour demander un prêt, il est nécessaire que d’autres membres de la CAF se portent caution pour la totalité du prêt. Si le prêt n’est pas remboursé, l’argent est pris sur l’épargne des autres membres et ainsi un prêt non remboursé ne peut pas porter préjudice au groupe.
Ce système de caution nécessite une grande confiance entre les membres des CAF, un autre pilier du concept. Sans confiance mutuelle, le système ne fonctionne pas. La plupart des membres d’un groupe ne se seraient pas prêtés mutuellement de l’argent avant d’entrer dans une CAF. Mais l’organisation de la communauté permet d’acquérir peu à peu confiance. On commence par se porter caution pour de petits prêts, puis cela évolue.
Lors des réunions mensuelles, les membres ne parlent pas uniquement d’argent, petit à petit, les sujets dérivent et les amitiés se créent. En apprenant à se connaître, les membres apprennent également à se faire confiance.
Au final, c’est une communauté qui se crée, les liens entre les personnes permettent ainsi de résoudre des problèmes du quotidien qui n’ont plus aucun lien avec les CAF. Ainsi, pendant la réunion mensuelle du groupe, Abdoulaye nous a expliqué : “Dans ce groupe, il m’arrive souvent de donner un coup de main pour remplir les papiers administratifs et de l’autre côté, d’autres membres m’aident à résoudre des problèmes informatiques ou gardent mon enfant quand j’ai besoin.”
Les avantages d’une CAF
Nous avons profité de la fin de la réunion pour demander aux membres du groupe (existant depuis plus de 3 ans) quels ont été les bénéfices que l’appartenance à la CAF leur a permis de recevoir.
“Je ne peux pas faire de prêt dans une banque”
L’une des particularités d’un groupe de migrants est que ces derniers n’ont pas toujours accès au système bancaire classique, lequel demande de nombreux papiers ainsi que des garanties. Les communautés auto-financées sont dans ce cas une opportunité.
“Nous nous aidons mutuellement. Si quelqu’un a un besoin urgent, nous pouvons convoquer une réunion rapidement pour faire un prêt à un taux très bas”.
Cela a été le cas lors du décès du père d’un des membres de la CAF. Une réunion extraordinaire a été organisée et un prêt de 1000€ a été consenti pour acheter un billet d’avion de retour au pays.
“J’ai 35 ans et je n’avais jamais réussi à épargner avant d’intégrer le groupe”
Selon Abdoulaye, l’épargne est l’un des apprentissages importants des CAF. En laissant un peu d’argent chaque mois dans une caisse que l’on ouvrira en groupe le mois suivant, la tentation est moins forte d’utiliser cet argent que l’on souhaite épargner. Et cela fonctionne tellement bien que cela a entraîné des changements dans le fonctionnement des CAF qui existent depuis plusieurs années, comme nous le dit Abdoulaye : “Les CAF avaient pour objectif de faire de petits prêts de quelques centaines d’euros, ceux que l’on ne peut pas obtenir à la banque. Mais avec l’expérience et les années, les membres économisent beaucoup plus. Maintenant, dans certaines CAF, on fait des prêts substantiellement supérieurs qui ont même servi à ouvrir un petit business (2000€ ou 3000€). Les membres se rendent compte de la puissance monétaire qu’ils possèdent ensemble.”
“Ici, je fais des prêts pour ma famille qui est restée au pays et pour investir. J’ai bientôt fini de construire ma maison.”
L’épargne facilitée par la CAF permet aux membres de mettre en place leurs projets avec une sécurité en cas de problème ou de liquidité supplémentaire à apporter à un moment donné. Dans le groupe de migrants, la grande majorité utilise ces prêts pour apporter de l’argent à la famille, investir dans le commerce d’un proche ou pour construire leur maison.
POUR CONCLURE :
Mettre en place un système de CAF permet :
– de renforcer les liens auprès d’un groupe de personnes qui se connaît déjà
– d’apprendre à épargner
– à se faire confiance
– de prendre conscience de la force que nous pouvons avoir quand nous sommes tous ensemble
Au final, cette autogestion de notre argent correspond à reprendre la main sur nos économies, en la gérant de manière utile et communautaire.
Si le concept vous intéresse, pour avoir des informations complémentaires ou pour créer une CAF, vous pouvez consulter le site Winkomun et contacter Abdoulaye Fall (qui parle français) : abdoulaye@winkomun.org
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Voici une petit vidéo explicative (en anglais) :
Également, pour avoir plus d’informations sur le fonctionnement exact des CAF, vous pouvez lire le document : Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur les CAF.
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